Hausse des taux de résistance aux antimicrobiens: Impact sur l’efficacité des hôpitaux canadiens

Les cliniciens dans les hôpitaux et les pharmaciens cliniques ont un rôle essentiel à jouer dans la surveillance des antimicrobiens

Avant que l’Organisation mondiale de la santé se consacre principalement à la COVID-19 il y a un an, le comité spécial des Nations Unies responsable de la santé publique avait décelé une autre menace pour l’humanité : la résistance généralisée aux antimicrobiens (ou RAM) dans le traitement des infections bactériennes.

Pour les épidémiologistes, les statistiques entourant l’utilisation des antibiotiques (qui a augmenté de 36 % entre 2000 et 20101) ou la prédiction des décès liés à la RAM (une estimation totale de 10 millions de décès d’ici 20502) alimentent le débat quant au besoin de fournir une meilleure surveillance des antimicrobiens. Comme les bactéries continuent d’évoluer, l’utilisation d’antibiotiques dans les traitements et les procédures de routine est devenue monnaie courante, ce qui a inévitablement entraîné une baisse d’efficacité.

La gravité de la situation au Canada a été soulignée par le Conseil des académies canadiennes dans un rapport de 2019. Celui-ci décrit en détail les conséquences actuelles et futures d’une hausse des taux de résistance aux antimicrobiens sur les patients, le système de santé et le PIB du pays.

Selon le rapport, environ 26 % des infections en 2018 étaient résistantes aux médicaments utilisés pour les traiter, et d’ici 2050, le taux de résistance pourrait grimper à 40 %3. En 2018, le Canada a recensé un total de 5 400 personnes décédées en raison de la RAM. Si le taux de résistance atteint 40 %, on estime à 13 700 le nombre de décès par année.

Pour ce qui est de l’impact de la RAM sur le système de santé, notamment la prolongation des séjours hospitaliers et des traitements, les coûts ont été évalués à 1,4 milliard $ par année. Si les projections sont exactes et que le taux de résistance au Canada atteint 40 %, alors les coûts liés à la RAM pourraient totaliser 7,6 milliards $ par année d’ici 2050.

Enfin, sur le plan économique, si le taux de résistance atteint les niveaux prévus, le PIB cumulatif du Canada baissera d’environ 388 milliards $ d’ici 2050, entraînant une perte entre 13 et 21 milliards $ par année attribuable aux coûts liés à la RAM.

La voie à suivre : détecter les prescriptions non optimisées de manière plus efficace

La lutte contre la hausse de la RAM demande des efforts à tous les niveaux, à commencer par les patients et la nécessité de moderniser les processus des équipes d’antibiogouvernance dans les hôpitaux. Dans cette optique, les pharmaciens cliniques, les cliniciens dans les hôpitaux et les spécialistes des maladies infectieuses doivent tous appuyer l’utilisation de nouveaux systèmes afin d’éliminer les lacunes dans la surveillance des patients sous traitement.

Malheureusement, les équipes d’antibiogouvernance qui s’occupent du traitement des maladies infectieuses sont débordées.

Avec un système traditionnel, la détection des prescriptions non optimisées se fait à l’aide de nombreux fichiers sources et d’un processus très manuel pour examiner chaque patient. En fonction du temps requis pour évaluer le traitement initial de chaque personne (parfois jusqu’à 45 minutes), certains patients hospitalisés qui ne séjournent pas aux soins intensifs doivent attendre plusieurs jours avant que leur traitement soit examiné.

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Pour les patients nécessitant un traitement antibiotique plus précis, ou encore une posologie différente, un retard peut entraîner des effets à long terme. Les pharmaciens cliniques, souvent à la tête des équipes d’antibiogouvernance, ont la possibilité de mettre en œuvre des systèmes capables d’éliminer les lacunes en détectant les traitements antimicrobiens sous-optimaux.

De tels systèmes permettent de détecter les traitements antibiotiques non optimaux prescrits aux patients hospitalisés. Le premier système de ce genre au Canada, APSS de Lumed, a été conçu à Sherbrooke, au Québec. Il accélère le processus de détection, à l’aide de son propre algorithme, pour les patients dont la prescription d’antibiotiques nécessite une révision.

https://youtu.be/RNTHDVWV2e4

Avec APSS, les pharmaciens cliniques reçoivent un avertissement leur indiquant que le traitement d’un patient pourrait ne pas être optimal. Ils peuvent ensuite communiquer avec le personnel soignant et le médecin prescripteur pour s’assurer que le traitement du patient est optimisé en tout temps.

La mise en œuvre d’APSS dans certains réseaux hospitaliers a déjà fait ses preuves. Depuis l’adoption d’APSS en 2010, le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke a pu éviter 2 500 jours d’hospitalisation chaque année. Il a ainsi pu économiser une dose intraveineuse sur cinq d’antimicrobien, ce qui a considérablement réduit les dépenses.

Grâce à l’implantation d’APSS dans de plus grands hôpitaux spécialisés en Colombie-Britannique et en Ontario en 2020, le logiciel est bien positionné pour freiner la RAM au Canada. Pour les patients et les équipes d’antibiogouvernance au sein de ces hôpitaux, de meilleurs résultats cliniques et une efficacité accrue sont des moyens concrets de lutter contre la résistance généralisée aux antibiotiques et aux antimicrobiens.

RÉFÉRENCES

1- VAN BOECKEL, T. P. et coll. « Global antibiotic consumption 2000 to 2010: an analysis of national pharmaceutical sales data », The Lancet Infectious Diseases, vol. 14, 2014, p. 742-750, DOI:10.1016/S1473-3099(14)70780-7.

2- UNITED KINGDOM REVIEW ON ANTIMICROBIAL RESISTANCE. « Antimicrobial Resistance: Tackling a crisis for the health and wealth of nations », [En ligne], 2014, Londres, Royaume-Uni. [https://amr-review.org/sites/default/files/AMR%20Review%20Paper%20-%20Tackling%20a%20crisis%20for%20the%20health%20and%20wealth%20of%20nations_1.pdf]

3- CONSEIL DES ACADÉMIES CANADIENNES. « Quand les antibiotiques échouent : Comité d’experts sur les incidences socioéconomiques potentielles de la résistance aux antimicrobiens au Canada », [En ligne], 2019. [https://www.rapports-cac.ca/reports/les-incidences-socioeconomiques-potentielles-de-la-resistance-aux-antimicrobiens-au-canada/]

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